Traitement des appels d’urgence : vers la fin de la départementalisation ?

D.R.

Dans tous les départements de France, du côté des pompiers, les appels 18 sont d’abord gérés par les centres de traitement de l’alerte -les CTA-, avant de basculer pour le côté opératif et gestion, dans les centres opérationnels départementaux d’incendie et de secours -les CODIS-. Deux appellations, mais surtout deux missions différentes pour ces deux plateformes, souvent dans le même bâtiment.

L’expérience des services d’incendie et de secours montre qu’un échelon trop petit permet certes une qualification très précise des alertes, mais expose à un coût de gestion bien trop onéreux, explique la fédération nationale des sapeurs-pompiers (FNSPF). L’échelon départemental, actuel échelon de gestion des services d’incendie et de secours, semble à cet égard avoir trouvé ses limites. Les Sdis engagent des dépenses importantes et manquent de ce fait d’efficience. Il semble alors nécessaire de passer à un traitement plus global et donc de penser la gestion de l’alerte à un niveau supérieur.

Par zone, par région ou par bassin de risques

En revanche, si l’échelon de gestion choisi est trop grand, des difficultés risquent d’apparaître en termes d’adaptabilité, de management – notamment de la ressource volontaire très ancrée dans son territoire -, de qualité de service ; et la capacité de résilience sera plus difficile. Trois aires géographiques semblent pertinentes, pour régler les enjeux de mutualisation opérationnelle et de modèle économique. Ainsi, tant les zones, que les régions ou les bassins de risques peuvent trouver une pertinence à devenir l’échelon de mutualisation. Un nécessaire débat et dialogue devra être mené pour peser les avantages et inconvénients de chaque échelon afin de définir celui qui répondra au mieux aux besoins et attentes des citoyens.

Une mutualisation zonale aurait pour net avantage de permettre aux centres opérationnels de zones (COZ) de devenir les arrière-salles de montée en puissance de ces plateformes communes. Cela aurait pour effet, notamment, de mettre fin à la myopie actuelle des COZ sur les CTA et entrerait en adéquation avec la directive interministérielle de la planification de défense et de sécurité nationale du premier ministre du 11 juin 2015, la réforme de la doctrine opérationnelle des SDACR et le projet de COTTRIM17. La directive interministérielle conforte en effet la zone de défense et de sécurité comme niveau privilégié de la planification civilo-militaire et charge le préfet de zone de défense et de sécurité d’assurer en cas de crise majeure « sur le territoire de sa zone, la répartition des moyens mobilisés au sein des ministères, des armées, des ARS, des collectivités et des opérateurs d’importance vitale ». Ces éléments vont ainsi dans le sens d’une homogénéisation des politiques d’urgence et d’une coordination des moyens spécialisés (hélicoptères…).

La FNSPF préconise la création de plateformes de traitement de l’alerte qui soient véritablement interservices, interministérielles et dédiées à l’urgence.

Trois niveaux

  1. Le premier niveau serait une plateforme commune (zonale, régionale ou par bassin de risques) de gestion de la réception, et du « débruitage » des appels (front-office).
  2. Le deuxième niveau serait également physiquement positionné sur la plateforme commune de gestion de la qualification (mutualisée) des appels. Ce back-office permettrait la réunion dans un espace commun de toutes les valences, expertises et logiques métiers de la police, de la gendarmerie, des sapeurs-pompiers et des SMUR. La qualification s’entend ici comme, d’une part, la détermination des coordonnées géographiques, et d’autre part de la nature de la situation ainsi que des ressources opérationnelles initialement nécessaires.
  3. Enfin, le troisième niveau relèverait de la gestion de l’engagement opérationnel à l’échelon départemental par les centres opérationnels des différents services. Les départs seraient alors adaptés aux ressources disponibles, dans une logique de gestion et de réponse de proximité. Cependant, la gestion des opérations courantes pourrait être déléguée au niveau 2 par le niveau départemental 18, afin de limiter la présence d’opérateurs, notamment hors heures ouvrables, à une simple veille opérationnelle.

Des économies importantes

La remontée des informations traitées par le troisième niveau vers les niveaux 1 et 2 (COZ si l’échelon zonal était retenu) ainsi que vers le niveau national (ministère de l’Intérieur et gouvernement) se ferait alors de façon fluide et rapide via le COGIC (Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises)-CIC (Centre interministériel de crise).

Concernant les Sdis, cette organisation générerait des économies d’échelle conséquentes, lors de la réalisation des outils de gestion de l’alerte, puis en permettant de ne plus activer simultanément les CTA et les CODIS, l’un pour répondre à l’alerte (CTA), l’autre pour suivre les interventions et faire remonter les informations (CODIS). En outre, les coûts de maintenance évolutive et corrective seraient mutualisés entre les 98 Sdis selon une clé de répartition objective (en fonction de la population ou du nombre d’appels reçus, par exemple).

Fonctionnement

De telles plateformes de traitement de l’alerte zonales, régionales ou par bassins de risques, interservices, interministérielles et dédiées à l’urgence nécessiteront un pilotage central et interministériel, décliné de façon déconcentrée dans les territoires.

L’État doit ici affirmer sa place, et initier en outre une démarche nationale via :

  • la création d’un logiciel national adaptable en fonction des spécificités territoriales, permettant d’assurer une réelle interopérabilité des données et une meilleure coordination opérationnelle en cas d’événement de grande ampleur ;
  • l’implantation déconcentrée de ces plateformes au niveau zonal, régional ou de bassins de risques ;
  • la dévolution de leur direction à un membre du corps pré- fectoral chargé de la coordination interservices et interministérielle de ces outils. Les préfets délégués de zones de défense et de sécurité, si cet échelon est retenu, apparaissent comme des titulaires naturels de cette autorité.

La gestion opérationnelle resterait au niveau départemental

Dans un souci de proximité et d’adaptation à la diversité des territoires (besoins, moyens..), la gestion de l’engagement opérationnel continuerait à relever de l’échelon départemental : un continuum serait ainsi assuré entre l’activité quotidienne et la responsabilité du préfet de département dans la gestion de crise au niveau local (coordination des différents services de l’État – police, gendarmerie, Sdis, ARS, délégué militaire départemental, des collectivités territoriales et des opérateurs du département). Par ailleurs, les sapeurs-pompiers disposent de compétences dédiées à la réception des appels et au traitement des alertes. Spécialistes du domaine, ces compétences auront vocation à devenir des piliers des plateformes communes.